• Chapitre 7

    Comme tout le monde dans le palais, Pauline cherchait les princesses volatilisées. Mais là où les humains cherchaient à l’intérieur, la harpie avait choisie de quadriller les alentours avec les sacran aviaires. Elle aurait bien demandé de l’aide aux as, mais elle voulait qu’ils profitent de leur séjour ici, vu qu’ils ne reviendraient sans doute pas de sitôt avec le café à faire tourner.

    L’oiseau rouge se posa sur un toit, regardant un peu la vie fourmillier dans la cour. Son oreille était loin d’être bonne, mais aux mimiques qu’elle arrivait à capturer chez les civils laissaient penser qu’ils s’inquiétaient de la disparition de deux princesses sur le même laps de temps. Elle plana finalement pour rejoindre la terre ferme et reprit sa forme humaine. De toute façon, le monstre à papillons était sans doute sur le coup, elle pouvait se permettre une pause après la sale journée qu’elle a eu la veille.

    La reine se permit de déambuler un peu dans les jardins avant de comprendre qu’elle était suivie. Cette simple idée suffit à réveiller ses bas instincts, prête à attaquer quiconque qui lui voudrait des ennuis. Derrière elle, c’était Henri.

    Bien sûr qu’elle l’avait remarqué quand elle était arrivée, mais elle avait décidé de ne pas prêter attention à lui. Et pour cause, cet homme n’était personne pour elle. Et pourtant, ils étaient frères de sang, ayant les mêmes parents. Ils ne se sont vus qu’une fois, mais la famille de Pauline semblait si attachée à celle qu’elle aurait dû être que la rencontre a tourné au fiasco et que la harpie n’avait cherché à les revoir. Le pire était incontestablement les parents: un homme qui haïssait les harpies et une harpie qui avait réussi à renier sa nature bestiale, générant un climat anxiogène pour l’ex-maire, si fière de ses ailes et ayant grandi dans une famille qui l’encourageait à être celle qu’elle voulait.

    Mais ce n’était pas tout. La famille d’Henri vivait dans la campagne profonde, avec des idées très proches de l’extrême droite. En tant que politicienne plutôt à gauche depuis qu’elle a intégré son premier syndicat lycéen, ça rendait le dialogue entre les deux partis quasiment impossible de façon saine. Elle ne serait même pas étonnée d’avoir des retours qu’Henri ait décidé de dire que la famille Nerem était une bande de voleurs, même si la situation ne durera pas, connaissant la gentillesse de la princesse Eclair et les ambitions de son grand-père.

    “Qu’est-ce que tu veux ?” lui demanda-t-elle.

    “Je voulais te voir.”

    Sa question n’était pas très intelligente, mais la harpie espérait sincèrement une réponse plus profonde que ça.

    “Ca faisait longtemps…” reprit l’homme.

    “Oui, pratiquement une quinzaine d’années.”

    Le visage du champillien a affiché un sourire crispé. Bien, il comprenait que Pauline ne voulait pas lui parler.

    “Si c’est à propos de la voiture que j’ai saccagé après que ton père ait déclaré que j’ai été élevée par des singes, je ne tiens toujours pas à m’excuser, même si c’était stupide de ma part de le faire.”

    “Pauline, écoute! J’ai déjà perdu une sœur, je ne veux pas définitivement perdre l’autre…”

    Cette simple phrase a suffit à surprendre la harpie, alors il en a profité pour continuer.

    “J’ai moi-même mon lot de torts dans l’histoire… donc s’il te plait, laisse-moi essayer de me rattraper...”

    Il était difficile de déterminer si il était sincère ou pas. Mais la damoiselle devrait peut-être au moins lui laisser le bénéfice du doute. Au pire, elle n’était là que pour la semaine, et elle pourrait parfaitement l’ignorer à l’année le reste du temps, puisqu’elle discuterait surtout avec Eclair, plus expérimentée sur la gestion et la politique intérieure de son royaume.

    “Bien. Allons chercher ses altesses ensemble.”

     

    ---

     

    C’était une chance pour Henri de pouvoir revoir Pauline. C’est lui qui avait tenu à la rencontrer en premier, et probablement le seul qui a senti l’ambiance se dégrader entre la harpie et sa famille. Après cette rencontre, sa petite sœur a disparu, sans laisser la moindre piste pour indiquer où elle était. Il nourrissait une certaine forme de mépris à l’égard de ses parents depuis cet incident, les pensant responsables de la disparition de sa sœur.

    Depuis, il avait tenté de joindre sa sœur aînée, mais elle avait visiblement décidé de l’ignorer après cet incident.

    Aujourd’hui, c’était différent. Toute la rancœur que la harpie avait pu avoir pendant cette période s'était éteinte.

    “Dis-moi,” fini par demander l’homme pour engager la conversation, “le gamin avec la queue… c’est un ami à toi ?”

    “Quoi ? Le lézard ? C’est mon fils.”

    “Mais… il est vieux pour être ton gamin.”

    Elle a haussé les épaules, le regardant avec dédain.

    “Pas spécialement, je l’ai juste eu quand j’avais 18 ans.”

    “Attend, il était déjà né quand on s’est rencontré ?”

    L’autre s’est mise à réfléchir, calculant mentalement quelque chose. Selon ses propres termes, il avait 2 ans à l’époque, mais elle l’avait confié à ses parents pour la soirée.

    Bien sûr, la famille qui a adopté Pauline. Ils étaient soucieux d’elle, c’était évident. Henri s’est souvenu du repas qu’ils avaient eu tous ensemble, ou Pauline avait déclaré être célibataire.

    “Tu n’étais pas avec le père de ton fils ?”

    Elle a secoué la tête.

    “C’était un kritter, il a juste voulu profiter de mes chaleurs pour que je lui ponde un fils de compétition… Je suis partie après coup, et il n’est jamais revenu dans ma vie.” Un léger sourire est apparue sur les lèvres de la femme. “Les premières années de mon lézard sont sans doute mes plus belles années, même si ce n’était pas facile de faire étude et famille.”

    “Tu étais seule ?”

    “Mes parents m’ont soutenu dès que j’ai réalisé que je ne me sentais pas capable d’avorter. Ils ne voulaient que mon bonheur et ma réussite scolaire. Alors ils ont tout fait pour m’aider avec Frederick une fois qu’il est né.”

    En entendant ça, Henri s’est senti plutôt envieux. Sa famille était beaucoup plus stricte, donc avoir un enfant hors mariage tout en étant sous leur toit ne pouvait pas être envisagé.

    “C’est comme ça pour tout les gens de la ville ?”

    La brune parut un peu gênée par sa question, mais elle a quand même répondu.

    “Euh… je ne sais pas comment c’est par chez toi, mais New Donk est une ville assez décomplexée, oui… De ce que j’ai vu, c’est vraiment quelque chose de propre à la ville.”

    “Vraiment ?”

    “Ecoute, ça ne me gêne pas de parler de la vie en grande ville avec toi, mais j’ai l’impression que tu es en train de juger mon mode de vie… et j’ai rien contre toi, mais vu qu’on aime bien la vie de bohème là-bas, je sais que c’est assez éloigné de ton mode de vie.”

    "Ça va, c’est pas comme si t’avais été conne à baiser des femmes !”

    Cette fois-ci, Pauline a eu l’air vraiment offensée.

    “C’est très exactement pour ce genre de réflexion que je n’ai pas cherché à te parler.”

    Après ça, elle déploya ses ailes, laissant le fiancé seul. Décidément, elle n’avait aucun humour !


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